23 juin 2011

Bidouilles et fripouilles?

Cette planche là, je l'aime bien. Tant pis si ce n'est pas réciproque. Il ne s'y passe pas grand chose sinon que de longs dialogues ce qui est rare chez l'ami scénariste Laurent. Mais bon, j'aime assez le fait de la rendre la plus dynamique possible - en toute modestie s'entend - : en variant les plans et les angles de vues, en sortant de la pièce, en alternant les champs et contre-champs. Bref.



Sinon actuellement le milieu de la BD vit un passage difficile. Les gros éditeurs resserrent leur politique et leur catalogue. Au profit de ce qui marche déjà et exit les petits artisans du phylactère? Je ne sais pas quoi vraiment en penser. Je vais peut-être en choquer - dessinateur que je prétends être - mais j'y vois des points positifs: quand on regarde ce qui sort voire ce qui marche je suis dubitatif sur la qualité et dessin et scénar', et à l'inverse des perles qui mériteraient plus de lecteurs (ça c'est le côté public) ou une meilleure mise en place (ça c'est pour tacler certains éditeurs qui ne font pas leur boulot). Quant à miser que sur les grands noms, ne serait-ce pas là une occasion par ex. de louper un Zep ou Guarnido (ils furent refusés pour des défauts énoncés qui furent en fait leur force: un gamin au langage cru ou un univers peuplé de personnages aux têtes animales). Et puis tout formater, je crois bien que c'est nier l'essence même d'une BD: un livre certes mais né d'un acte de création artistique dans tous les sens du terme. So ...
Ce sont des réflexions qu'on entend, qu'on discute dans les festivals quand des auteurs rencontrent d'autres auteurs, reconnus, ultra-reconnus ou pas. Ce fut le cas à Lyon ou à Seyne-sur-Mer dernièrement.
Et puis hier j'apprends que Delcourt devient majoritaire des Editions Soleil. Dégraissage à la clef? ... Moi ce qui m'inquiète c'est qu'un patron de Soleil - grand homme d'affaires qu'il est (et je ne juge pas en disant ça)- ne fait rien à la légère. On ne fera pas croire que son investissement dans le rugby lui bouffe tant qu'il doive délaisser la BD. J'y vois plus l'histoire d'un gars qui sent comme tous que le marché décline et qui vend quelques parts au bon moment. En bref, ça m'inquiète.
Mais comprendront bien les gens qui me connaissent. Je ne suis pas défaitiste pour autant: nous faisons un métier entre l'artisan et l'art au sens noble - de mon point de vue - et comme n'importe quel métier je suis persuadé que si on se donne la peine et qu'on y mette le plus d'amour qu'on puisse, il n'y a aucune raison que cela ne marche pas. Et j'entends par "marcher" le seul fait de gagner ma vie honorablement. Nos egos sont tels que le succès et les paillettes seront toujours les bien venus, nous qui avons beaucoup besoin d'être aimés pour ce qu'on fait ou pour ce qu'on est (c'est selon). Certes, mais gagner sa vie suffirait. Je suis donc simplement méfiant vis-a-vis de la paupérisation de la profession avec des prix pratiqués en baisse, des conditions de contrat parfois ésotériques (ce n'est pas mon cas pour l'instant). Lors d'un des festivals, un jeune me disait qu'il était content d'être payé 120€/planche (scénar'+dessin+colo, tout compris, brut). Très bien. La seule chose: lui parle presque d'argent de poche, moi j'ai la prétention de parler aussi boulot. Donc wait and see.

11 commentaires:

Joseph Béhé a dit…

très belle planche, composition harmonieuse!

Concernant "le métier", on navigue constamment entre l'artisanat avec ses professionnels de la profession (qui finit toujours par scléroser) et la liberté de la compétition artistique génératrice d'inégalités croissantes.
Trop de compétition tue le métier, trop de métier tue la compétition.

Il est intéressant de lire l'ouvrage "le travail créateur" de Pierre Michel Menger.
Ca déniaise pas mal...

Cédric Hervan a dit…

Je rejoins Joseph...
Tout d'abord et avant tout ! Très belle planche et tout comme toi, j'aime ces planches parfois simple mais qui sont porteuses de belle ambiance ! :-)
Et rapport au métier, il est qu'il est inquiétant ce passage que nous vivons actuellement... Tout comme toi, je m'estime être un professionnel du dessin, mais âgé de 30 ans cette année, je finis par me poser la question de savoir s'il n'est pas inconscient, en fin de compte, de ne miser professionnellement que sur la BD ou tout du mois le dessin pour une carrière ?...
Mais sachant bien, que c'est le métier que j'ai toujours eu envie de faire et qu'aujourd'hui c'est toujours le cas...
Réflexion compliquée finalement...

Ps- Merci pour le conseil lecture Joseph...

A.DAN a dit…

Salut Joseph, salut Cédric. Merci pour le lien Joseph. Je connaissais la réflexion de Menger, qui est effectivement "déniaisant". Ceci dit, j'en faisais un peu référence: à moment donner je (me) fais confiance - peut-être de façon naïve effectivement - dans le sens où je me donne qu'un nombre limité de choix: j'ai toujours voulu faire se boulot en fin de compte, j'ai un pied dedans et même peut-être les deux, ma réflexion s'étoffe et techniquement je m'efforce de progresser, bref, j'y suis j'y reste! ;) ... même si l'incertitude comme le souligne Menger, est forte. Le flingue resterait donc une solution au cas où ;)

Aymeric a dit…

Côté consommateur de bande dessinée et accessoirement parfois vendeur des dits albums de mickeys, je pense qu'il y a du bien et du mal dans cette situation qui s'amorce.
Du mal car peut-être que certains "petits" auteurs sur le début n'arriveront pas à glisser leurs beaux albums, des perles perdues au milieu des albums "grand public faciles à vendre"...
Et du bon, car justement cela écrèmera toute cette partie de la production qui est tout de même très limite et parfois sans intérêt.
Je ne sais pas si ce ne serait pas mieux de dire à un auteur qu'on ne prend pas son album auquel on ne croit, plutôt que d'éditer un album sans suite parce qu'il n'a pas marché... C'est peut-être finalement une illusion de laisser croire à certaines équipes qui font des Bds qu'elles vont marcher, alors qu'en fait elles travaillent dans le vide à plus ou moins court terme...

Mais tout cela n'est qu'un passage, le marché est tel qu'il va se modifier, s'adapter, et se réguler de lui même, laissant les petits sur le carreau, créant de plus gros qu'avant, et ainsi va la vie. L'argent va où est l'argent...

A.DAN a dit…

Plein de sagesse Aymeric! ;)
Oui, je partage ton point de vue sur toute la ligne. Sauf la dernière: je ne suis pas naïf au point de penser que la BD ne brasse pas d'argent, je le vois bien, mais le milieu dans lequel on évolue justement est pavé de notions de plaisir, de merveilleux et de toutes ces choses bien vaporeuses qu'on classe dans un tiroir estampillé de l'étiquette "art". Ce qui fait donc relativiser la seule notion monétaire de l'affaire. Quelles sont les bonnes proportions du mélange? Je n'en sais rien. Mais il ne faut pas l'oublier.

D.C. a dit…

" je finis par me poser la question de savoir s'il n'est pas inconscient, en fin de compte, de ne miser professionnellement que sur la BD ? "

Pour répondre à cette interrogation de Cedric Hervan,
je pense réeellement que celà dépend " ou tu tombes comme maison d'édition " - J'explique pour être un peu plus clair : Mon 1er album, 7 ans déjà était signé chez un petit éditeur Belge, celui-çi ne s'en est jamais occupé, l'a jamais lu je pense, l'a laissé sortir avec des fautes d'orthographe,
l'a très mal placé avec une mini mise en place ...

Verdict, partant de "rien" cet album était sur d'arriver "nulle part" comme disait Higelin. Résultat ventes calamiteuses, lettre ultra rapide m'annoncant que ma "saleté " était retirée du catalogue et qu'il valait mieux que je fasse un autre boulot ...

MAIS, j'ai reproposé récemment - au culot total - ce même album, à la couverture près, au directeur d'une des maisons d'un gros groupe BD ( à 3 têtes ).
Lui y a cru, orthographe corrigé, bon tirage et une bonne mise en place. Résultat = 23.000 ventes et suite signée avec d'encore meilleure conditions de prix par planche. ( Loin de l'aumone péniblement accordée à contre coeur par mon 1er éditeur )

Donc entre les 1300 ex vendus avec mon premier ...
éditeur "dilettante", et les pros qui l'ont ré-utilisé et bien vendu derrière 6 ans après, c'est bien sur le jour et la nuit.

Ce n'est que mon avis, mais je persiste, si tu crois à ton taf, et si tu "tombes "pas sur un charlot,
et bien, pas de problèmes, celà fonctionne.

Donc, nous n'avons pas TOUS les paramètres en main, nous les auteurs, celà dépend aussi des bons
ou des mauvais avec qui l'on travaille. Just my two
cents of course.

A.DAN a dit…

Un petit éditeur belge? qui fait des fautes d'orthographe? sans politique de mise en place? ... heu, aurais-je eu le même? ......... Tu pourrais rajouter qu'il a un cousin qui fait dans les jus de fruit. J'ai bon?

D.C. a dit…

Ooops, erratum, pas 23, mais 13.000 ventes, optimiste sur ce coup là, ma plume m'a trompé ou un esprit d'espérance m'a fait écrire ce beau lapsus involontaire ou significatif du futur. Mais celà fait quand même 10 fois plus, car ils s'en sont occupé comme des chefs.
Jus de fruits je sais pas, pour nous, entre auteurs, on disait à l'époque qu'il aurait eu un beau rôle dans Batman.

A.DAN a dit…

Les Editions Robin? ... Catwoman Comics Editions? Freeze Corporation Team? ... Bref. ;)

D.C. a dit…

----> ( Jack Nicholson ou heath Ledger si tu vois )

Bréfle, ça décide ton avenir BD suivant sur qui tu tombes! Entre le gars pour qui c'est une sorte de hobby l'édition, alors qu'il fais 9 mois sur 12 dans l'hotellerie, et finiras par flinguer ton travail à coup sûr...
ou le vrai pro capable de rester 3 heures de suite à te prouver par A+B - et avec RAISON en plus - qu'il faut revoir la séquence de ta page pour une meilleure lisibilité.

L'édition n'est rien d'autre qu'un toss, coté pile tu gagneras ... peut être, mais coté face tu perdras surement.

sato a dit…

Salut daniel
J'arrive sur ton blog pour te filer une info et je vois ça :

Un petit éditeur belge? qui fait des fautes d'orthographe? sans politique de mise en place?


Ah ah, moi je percute pour le jus de fruit ;-) Je pense qu'on a eu tous les trois + pas mal d'autres auteurs aussi, le même éditeur avec ses fameux vrais faux contrats 1886 : ))).

Sinon, l'info, pour ta BD vendue en numérique, ces faux contrats le permettaient bel et bien, ( pour toi, c'était plus grave, car remise en vente à ton insu d'une exploitation de Jo-Bo stoppée ) mais si série en cours cette ancienne loi le permet. C'est ultra flou car ce n'est pas la loi en vigueur, et certainement destiné à tromper les auteurs non Belges, mais nous tous, avec nos BD vendues à notre insu en numérique, cette loi 1886 le permet ( Cf TGI Belge )

Donc, il y a bel et bien un très grand flou là-dessus,
et ça confirme comme disait Algésiras sur l'ADABD,
que malgré ton contrat " ultra fumeux " . Tout rest possible dans ce milieu de "non droit" ;-)

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