16 novembre 2009

Café crème

Même si je reste fan de ce chef-d'oeuvre des Monty Python, je ne parlerai pas du "Sens de la vie". En fait, je voulais glisser ici un petit moment de vie. Un petit moment qui illumine la journée, tel un petit café (crème ou pas c'est selon) et qui donne sens non pas pompeusement à la vie mais à ce qu'on fait ... à savoir ici au livre de Laurent et moi même, "Tahya El-Djazaïr".

Je veux parler d'un voisin que je connais peu, du juste bonjour-bonsoir qu'on s'octroye par politesse, même si des fois il y a vraiment un brin de gentillesse. Un papy à la retraite, un gars alerte, sec et conservé par le boulot de maçon et d'ouvrier. Un gars que je sais avoir fait la guerre d'Algérie et assez peu bavard sur le sujet. Bref, il lit notre album ce dernier week-end. Et frappe timidement à la porte cet après-midi. Tout sourire, réservé et même un peu gêné ... Je lui offre un café et me dit-il: "j'ai été très agréablement surpris par votre BD". Un peu ému, il sort de sa poche de vieilles photos amoureusement conservées et doucement il me raconte son algérie. Le temps qu'il y a passé, quelques anecdotes, ses gardes en mirador dans les Aurès, l'histoire de 3 types égorgés au matin dans le leur, de deux fehls abattus froidement par leur sergent lors d'un retour de patrouille nocture et autres choses encore ... comment il avait laissé sa future femme en France durant deux ans passés là-bas ... Bref, de ces choses, de ces perles que nous avons aussi récoltées Laurent et moi au détour du net, des livres, des photos, du téléphone en prenant contact avec des "anciens" pour de la doc. ou bien avant.

Il se lève, me confie les photos. "Et vous avez mis dans le mille sur le ressenti des hommes" me dit-il en s'excusant de me prendre de mon temps. Cette petite phrase valait de l'or pour moi. Je sais que n'avons pas voulu faire un album "historique", précis, mais bien de toucher les mécanismes de l'humain, ses tourments et ses emprisonnements ou libertés dans les décisions, ceci sans prétention de notre part. Et quand un petit bonhomme discret, qui habite de l'autre côté de mon jardin, vous dit ça, je ne sais pas vous mais moi - outre mon coeur d'artichaud qui bat la chamade - je gonfle le torse et je le martelle tel un gorille mâle de 250kg!!! ;)

Quelques photos qu'il m'a laissé: (je floute volontairement son visage):

2 commentaires:

Edouard Chevais-Deighton a dit…

Une anecdote touchante...
Et effectivement, pour vous l'avoir écrit après avoir lu le tome 1, c'est comme un coup de poing dans l'estomac que j'ai ressenti en lisant Tahya. D'ailleurs, c'est amusant car je l'ai justement relu hier. Et je me disais : "les salauds, ils sont sacrément bons et tellement dans le ton !" (le "salaud" était amical ;-)) Et pourtant, je n'ai pas fait l'Algérie ni n'y suis jamais allé. Je peux donc imaginer ce que ton voisin a pu ressentir.

Aymeric a dit…

J'ose penser que finalement, le meilleur moment lorsqu'on est auteur de BD, c'est celui-ci.

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